Alexandre Yersin et la peste
II-Yersin et la peste.
Yersin
aurait poursuivi nombre d' explorations s'il n'avait été
mandé en 1894 par le gouverneur général d'
Indochine et l' institut Pasteur de se rendre à Hong Kong
pour étudier l ' épidémie de peste qui ravageait
alors la Chine.
En effet quand yersin arrive en Chine , la peste sévit depuis 1891 , cette peste dite océanique se répandra par voie maritime sur tous les continents et fera plus de 12 millions de victimes jusqu'en 1948.
Alexandre Yersin se rend donc le 15 juin 1894 à Hong Kong au nom de l' institut Pasteur. Malheureusement une mission japonaise bien mieux équipée que lui et menée par Kitasato , élève de l'allemand Robert Koch,est déja présente. Appréciée des anglais cette mission a accès à l' hôpital et peut librement observer les malades et autopsier les cadavres.Pour sa part, A.Yersin est exclu des recherches et est interdit d'approcher les cadavres.Pour faire face à sa situation difficile et précaire, il se fait construire près de l'hôpital une paillote qui lui servira à la fois de logement et de laboratoire.
Pour
faire ses études, il lui faut des cadavres: c'est pourquoi il
passe au delà des interdits anglais.
Avant d' être enterrés, les cadavres sont déposés
quelques heures dans des caves , déjà installés
dans leur cercueil et recouverts de chaux. C'est durant ce court laps
de temps que A.Yersin décide de récupérer sur
les cadavres des bubons qu'il étudie aussitôt au
microscope dans son laboratoire. Il espère en effet trouver le
bacille responsable de la peste dans les bubons; stratégie
tout a fait différente de celle de Kitasato qui fait ses
recherches dans le sang.
Le
choix de Yersin s'avère payant: l' analyse microscopique des
bubons pesteux lui montre immédiatement la présence de
microbes : « ce sont de petits bâtonnets trapus aux
extrémités arrondies et assez mal colorés ».
Il les retrouve par ailleurs dans les ganglions lymphatiques et la
rate.
Il
lui reste à prouver que ce microbe est effectivement
responsable de la peste. Il innocule alors à des souris du
pus extrait des bubons pesteux. Bilan de l' expérience: « Il
[le bacille] tue les souris, les cobayes avec les lésions de
la peste ».Pour Yersin: « il n'y a pas de
doute. » .Il envoie alors son rapport à l'Institut
Pasteur ainsi que des pipettes contenant du pus des bubons. Sa
découverte est alors confirmée par E.Roux. Son rapport
est lu le 30 juillet 1894 par l'Académie des sciences,et est
publié en septembre dans les Annales de l'Institut Pasteur.
Il
aura fallu trois semaines à Yersin pour découvrir le
bacille de la peste qui portera son nom: Yersinia Pestis. Il est tout
de même appelée par certaines personnes le bacille
Kitasato-Yersin.
En
outre, A.Yersin constatant la multitude de cadavres de rats jonchant
les rues de HongKong, déduisit aussitôt que les rats
étaient responsables de la transmission du virus a l' homme.
Hypothèse qui fut rapidement confirmée par l' analyse
de quelques un de ces cadavres contenant effectivement le bacille.
L'
année suivante, il retourne à paris et met au point
avec Albert Calmette et Emile Roux un sérum contre la peste.
Celui-ci est obtenu par l' injection à des chevaux du bacille
de yersin qui provoque la sécrétion dans le sérum
sanguin du cheval d'anticorps. Le cheval est alors saigné afin
de récupérer le sang puis le sérum par
filtration.L'injection de celui-ci entraine chez le malade la
destruction des bacilles pesteux.
Alexandre Yersin part à Canton tester son sérum, mais face à l'hostilité de la population il est obligé de renoncer. Heureusement, l' évêque de la Mission Catholique lui demande de soigner un de ces élèves promis a la mort. Quelques injections du sérum amènent rapidement sa guérison: le sérum est un succès. Il l' expérimente ensuite à Amoy ou il parvient à guérir une vingtaine d'individus malades .Mais l' année suivante en 1897, la peste éclate à Bombay. Il s' y rend avec des stocks antipesteux, mais les résultats des injections sont particulièrement décevants. Il est ensuite relayé par Paul-Louis Simond qui mettra plus tard en évidence le rôle de la puce dans la transmission de la peste.
Ci-dessous une lettre plutot amusante de Yersin à sa mère alors qu'il était à Hong KOng:
Hong Kong 1894
Chère maman,
Je suis sûre que tu dois être un peu anxieuse de recevoir cette lettre, me sachant dans un endroit où l'on n'irait pas précisément faire aujourd'hui un voyage d'agrément!
Après être resté quelques jours à l'hôtel, je me suis fait construire une paillotte à côté de l'hôpital des pestiférés et j'ai établi là mon domicile et mon laboratoire.
Tout cela n'a pas été sans peine et si je n'avais pas eu le bonheur de découvrir un brave missionnaire catholique qui a bien voulu m'accompagner partout et me servir d'interprète, je ne sais pas comment je me serais tiré d'affaire! Le missionnaire s'appelle le père Vigano; Voilà 30 ans qu'il réside à Hong Kong aussi il connaît tout le monde.
J'ai déjà pu étudier une douzaine de cas et il ne m'a pas été difficile de retrouver le microbe qui pullule dans le bubon, dans les ganglions lymphatiques, la rate etc. C'est un petit bâtonnet un peu plus long que large et qui se colore difficilement. Il tue les souris, les cobayes avec les lésions de la peste. Je le retrouve toujours; Pour moi il n'y a pas de doute.
J'envoie à l'institut Pasteur par ce courrier un certain nombre de petits tubes scellés contenant de la pulpe de bubons de peste. On va pouvoir donc commencer à Paris l'étude de la maladie. Ici je suis très limité dans mes expériences car mon laboratoire est fort mal monté.
Hong Kong est une ville très pittoresque, bâtie au bord de la mer sur le flan d'une montagne abrupte de 600 mètres, les maisons sont étagées jusqu'au sommet. La population chinoise est de plus de 200 000 âmes. Elle est aujourd'hui réduite de moitié à cause de l'émigration provoquée par la peste. On est en pleine saison des pluies, il tombe de vrais déluges d'eau et à la suite de chacune de ces violentes averses, il y a un redoublement de l'épidémie. La mortalité est très forte, 95% des cas. Jusqu'à présent 3 Anglais seulement ont été frappés. Je ne compte pas les Portugais, il y en a beaucoup plus. Je tâcherai un de ces jours de faire une petite photographie de ma paillote avec moi devant et je te l'enverrai. Je continue à me très bien porter, un peu fatigué seulement, car étant seul je dois suffire à tout.
J'aurais encore bien des choses à te raconter, mais il y a deux cadavres qui m'attendent, et ces Messieurs sont pressés paraît-il d'aller au cimetière. Adieu chère maman, lave-toi les mains après avoir lu ma lettre pour ne pas gagner la peste!!
ton fils aff.
A. Yersin